La mise en œuvre de l’agilité au sein d’une entité impacte directement la relation entre les équipes en charge de la réalisation et leurs managers. Nouvelle organisation d’équipe (équipe pluri-disciplinaire), nouveaux modes de management (auto-organisation, transparence accrue), nouvelle conception de la gestion de la capacité (limite du travail en cours, notion de slack), bousculent les interactions.
La plupart du temps l’accompagnement des managers est négligé, ce qui, au mieux, les laisse en dehors de la transformation, au pire les braque contre l’initiative de changement. Lorsque le sujet est pris en compte, une solution automatique est souvent appliquée, du type : “envoyons les managers deux jours en formation Management 3.0, ça a l’air sympa et c’est tendance”.
Cet article explique comment le coaching agile peut accompagner les managers dans leur propre transformation, afin qu’à leur tour ils deviennent agents de transformation auprès de leurs équipes…
Slack : ne pas charger une ressource à 100% pour lui laisser une marge d’adaptation aux imprévus, cf. l’excellent livre Slack de Tom DeMarco (http://www.systemsguild.com/Slackpage.html)
Comment maximiser ses chances d’échec ?
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Préliminaire
Dans ce texte, par souci de simplification, l’expression « coach agile » est utilisée pour désigner une personne ou une équipe de coaches dont la mission est de “rendre plus agile” l’entité où ils interviennent. Expliciter ce que signifie “rendre plus agile” sera l’objet des premiers entretiens de la phase de cadrage !
Les contextes sont complexes et variables suivant les entités. Néanmoins, lors de l’arrivée du coach agile, la situation ressemble souvent à la description suivante.
Ce qu’on appelle « équipe » n’est qu’un groupe d’individus, sans mission commune, ni interactions génératives, c-a-d apportant plus de valeur que la somme des actions individuelles.
Le manager gère individuellement chaque personne, renforçant le fonctionnement en solo. Les collaborateurs ne prennent pas d’initiatives et escaladent les décisions vers le manager qui fonctionne en posture très haute : mode « hero-leadership ».
La motivation est extrinsèque (« carotte et bâton ») et le travail s’effectue en mode contraint, avec soumission à une bureaucratie envahissante, imposant moultes “reportings” dénués de sens pour les collaborateurs. Les conflits sont larvés, il ne faut pas que les émotions s’expriment, le véritable dialogue se produit rarement.
Dans cette approche, le coach se focalise sur le développement de l’agilité de l’équipe, souvent au travers de formats pré-définis comme Scrum ou Kanban. Le coach travaille à transformer le groupe en équipe auto-organisée. Il prend le leadership sur le groupe et n’a pas de stratégie spécifique vis-à-vis des managers en place, qui peuvent même être considérés d’emblée comme des vestiges du passé voués à disparaître.
S’insérant entre le manager et l’équipe, le coach risque de :
Le manager ne trouve plus sa place, n’en voit pas de nouvelle clairement définie, s’inquiète. Il entre en résistance contre la transformation et le coach, vecteur de ce bouleversement existentiel. La réaction est forte car le manager est atteint dans son identité, souvent construite au travers des années de performance.
Identité : cf.le modèle des niveaux logiques de Dilts dans le chapitre “Culture agile” de l’“Agile Rocket Guide” https://blog.goood.pro/2017/07/18/raconte-moi-une-fusee-agile/
Le coach travaille à transformer le groupe en équipe auto-organisée. En amont, il prend le temps de nouer la relation avec la couche managériale et de co-construire avec eux la dimension tactique de la transformation.
cf. par ex. les démarches du type “Lean Change management” décrites par Jason Little http://leanchange.org/
En parallèle du travail avec l’équipe, le coach accompagne les managers à comprendre la transformation, les nouveaux rôles à jouer et les changements de posture requis. Il aide les managers à faire le deuil des anciens modes de fonctionnement, cf. « Petits deuils en entreprise » de Jacques-Antoine Malarewicz.
Pour illustrer l’importance du changement à l’œuvre, le coach explicite par exemple le modèle d’Hudson :
Hier |
Aujourd’hui |
Stabilité – Statu Quo
Deux périodes dans la vie : l’enfance et l’âge adulte |
Changement permanent
Nous évoluons perpétuellement et ce phénomène s’accélère |
Évolution linéaire
Lendemains meilleurs grâce à une progression pas à pas, automatique (promotion) |
Développement cyclique
Nous construisons notre vie comme un livre, chapitre par chapitre avec des transitions entre les chapitres |
Apprentissage uniquement
pendant l’enfance |
Apprentissage constant
apprendre à apprendre |
Vie déterminée par l’environnement
social, culturel, religieux… |
Agir sur son environnement
pro-actif, clarifier ses projets de vie, ses valeurs, sa raison d’être |
Modèle d’Hudson
“Life Launch: A Passionate Guide to the Rest of Your Life” by Frederic Hudson, PhD. and Pamela McLean, PhD.
et les courbes de transformation en U :
Dès le départ, l’objectif du coach consiste à s’effacer au profit du manager. Celui-ci apprend progressivement à interagir avec son équipe en adoptant une posture « leader as a host » (se référer au “management complexe” dans l‘“Agile Rocket Guide”).
Le coach aide également le manager à entretenir et renforcer le sentiment d’interdépendance de l’équipe avec le reste de l’entreprise ( cf. Véronique Messager dans “Coacher une équipe agile”).
Le manager acquiert progressivement les compétences nécessaires au coaching de son équipe. Ce sont d’abord celles qui correspondent aux trois modules centraux de l’Agile Rocket (se reporter à l’ « Agile Rocket Guide ») :
Ces compétences de base du manager sont complétées par le stabilisateur “Maîtrise personnelle”, appliqué à la fois à lui-même et aux membres de l’équipe. Il est particulièrement important dans ce domaine de travailler la dimension d’exemplarité.
En complément de l’accompagnement individuel sur le terrain, il est souhaitable de proposer aux managers un parcours d’apprentissage collectif. La dimension collective est particulièrement importante pour développer la capacité d’apprenance de l’entité, comme le montrent les travaux de Takeuchi – Nonaka (La spirale du savoir) et de Peter Senge, se reporter à la bibliographie en fin d’article.
Takeuchi et Nonaka insistent ainsi sur l'importance du management intermédiaire dans le processus de circulation des connaissances : "un rôle important est attribué aux catégories intermédiaires d’encadrement dans la construction de la spirale des connaissances créatrices dans les organisations, car c’est à eux qu’il incombe d’articuler les idées visionnaires de la haute direction et les pratiques des travailleurs de première ligne. C’est le management milieu-haut-bas." Nonaka : la voie japonaise en matie?re de management des connaissances par Pascal Lièvre
Les formations traditionnelles ont montré leurs limites. Quelles que soient leurs qualités, le talent du formateur et la satisfaction des participants au sortir d’une ou deux journées, l’impact est limité. Dès le lendemain, sous la pression du quotidien, les managers retournent à leur fonctionnement habituel.
Pensez à toutes les formations sur la conduite de réunion, aux affichages de de bonne conduite dans les salles : avez-vous déjà constaté un impact sur la manière dont se déroulent les réunions ?
Ce manque d’impact est renforcé par le fait que la formation n’est ni préparée (souvent les managers débarquent en mode touriste, sans bien faire le lien avec une stratégie de transformation), ni suivie (aucun espace-temps ultérieur de mise en œuvre, d’appropriation n’est prévu, le manager a comme préoccupation principale de récupérer au plus vite deux journées de travail « perdues »).
Il n’est pas possible de modifier en profondeur les modèles mentaux en place en si peu de temps. Or, ce sont bien les modèles mentaux qui conditionnent les comportements. Et changer un modèle mental requiert de de la discipline, c-a-d de l’effort et du temps (cf. “Neurosciences et management” de la regrettée Bernadette Lecerf-Thomas).
Pour obtenir un réel impact, il convient d’aller au-delà des formats classiques en proposant un parcours diversifié :
En construisant un tel parcours, on facilite le passage de l’acquisition de nouveaux savoirs vers un réel apprentissage de nouveaux savoir-faire.
Nous mettons en pratique cette réflexion dans notre parcours d’apprentissage Manager as a service : http://www.goood.pro/formations/manager-as-a-service/.
Le mouvement des entreprises libérées a popularisé la philosophie du bonheur au travail. L’objectif : libérer les salariés de l’oppression de la structure hiérarchique, héritage obsolète du XIXème siècle, pour redonner une autonomie nécessaire à leur bien-être et à la performance de l’entreprise.
Par idéalisme maladroit (encouragé par une partie de la communauté agile, centrée sur une vision mythifiée de l’équipe) ou opportunisme cynique (certains dirigeants y voyant une belle occasion d’un nième programme masqué de réduction des coûts), la transformation agile est parfois conçue comme une croisade anti-manager et non comme un changement nécessaire du management. L’amalgame « entreprise libérée- transformation agile » peut alors braquer les managers. Ceux-ci vivent perçoivent l’agilité comme une menace identitaire et entrent naturellement en résistance.
Une transformation agile n’est pas une démarche de libération de l’entreprise. Cette dernière est une théorie philosophique qui ne peut être mise en œuvre que par un patron libérateur, commençant par s’appliquer à lui-même le processus. C’est Isaac Getz (auteur de« Freedom inc. ») qui l’affirme («Chaque entreprise doit inventer son organisation» Le Figaro.fr) :
"L'entreprise libérée est une philosophie qui repose sur des croyances liées à la nature humaine: que les gens préfèrent la confiance au contrôle, que chacun ait des dons, que les hommes et les femmes préfèrent s'autodiriger que d'être dirigés." Le dirigeant doit-il croire en ces valeurs pour les appliquer? Il le doit.
Si ces initiatives sont très inspirantes, toutes les entreprises ne vont pas être « libérées » et encore moins à l’initiative seule des coaches agiles ! Il convient donc de prendre en considération tout l’impact humain de la transformation en imaginant des approches intégrant le plus harmonieusement possible tous les membres de l’organisation, dont les managers : Respect for the people!
Comment améliorer les êtres sans les gouverner ?
Soyez attentifs à ne pas troubler leur esprit, car l’esprit de l’être humain est ainsi fait qu’il se sent opprimé par toute pression et exalté par toute incitation. Opprimé, il se sent emprisonné ; exalté, il peut commettre des ravages. Souplesse et gentillesse l’emportent sur la dureté et la violence qui gèlent comme la glace ou brûlent comme le feu. Lao-Tseu IIIe siècle avant JC |
“Theory U changement e?mergent et innovation” http://www.puq.ca/catalogue/livres/theorie-changement-emergent-innovation-1975.html
http://www.acfas.ca/publications/decouvrir/2013/03/theorie-u-changement-emergent-innovation
Merci à @Nverdot pour ses scribings funs et énergisants !
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Merci Christophe et Nicolas pour cet article très intéressant, ses références et ses illustrations inspirantes ?
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