Dans notre précédent article “à vouloir tout faire, on ne fait rien” nous avons vu comment briser une première boucle systémique en priorisant et en séquençant plutôt qu’en parallélisant les projets.
Nous continuons ici en abordant deux autres boucles systémiques qui résultent de la dégradation de la non résorption de la dette technique et donc de la difficulté grandissante à faire évoluer le produit : difficulté à tenir les engagements et sur-engagement pouvant conduire au burnout.
Prenez le temps de… prendre VOTRE temps
Retour sur investissement non satisfaisant et délais pour démarrer effectivement un nouveau projet compte tenu de sa priorité relative par rapport aux autres demandes, sont autant de bonnes raisons de dire non à un demandeur. Pour dire non, il faut donc disposer de vrais arguments : d’abord une estimation rationnelle de la valeur et du coût, puis une certaine prédictibilité du délai de mise en chantier, basée sur une bonne connaissance de la capacité réelle des équipes, une fois qu’on a déduit toutes les tâches annexes, parfois masquées.
Mais parvenir à dire non engage d’autres ressort, en particulier quand le demandeur est un top manager ; l’exercice peut même devenir douloureux. Il y a là matière à travailler sur son assertivité, la gestion de ses émotions, sa confiance en soi, sa capacité à décider ; autant de sujets qui peuvent justifier de faire appel à un coach professionnel pour accompagner certains postes clés d’une organisation agile, comme le Product Owner, trop souvent intronisé dans cette fonction sans bénéficier du soutien de son management.
Être capable de dire non permet aussi d’éviter de se surcharger et donc de réguler la boucle qui mène au burnout. Cela entretient la résilience individuelle et la capacité à faire de l’équipe.
Prenez le temps de… ne rien faire
Dire non, c’est aussi se dégager de la bande passante, parfois aussi appelé slack time. Cela peut va permettre d’absorber les aléas des projets sans entacher les engagements pris, ou de prendre en charge des demandes inopinées de ce même big boss. On ne manque pas de prendre cette provision lorsqu’on vend un projet ; pourquoi ne se traduirait-elle pas aussi dans le plan de charge des collaborateurs ? Rappelons-nous la métaphore de l’autoroute qui, lorsqu’on la remplit de véhicules, devient un parking !
Prenez le temps de… faire le ménage
Au delà de cette bande passante, a priori, inutilisée, il faut sanctuariser du temps pour apurer la dette technique. On a déjà vu des équipes tellement engluées dans cette mélasse que leur vélocité était devenue nulle. Et là, plutôt que de chercher à faire de toute petites fonctions, histoire de rassurer le client, on a décidé de geler les développements pendant plusieurs itérations pour apurer la dette technique et repartir sur un rythme nominal. Plutôt que d’en être réduit à une telle extrémité dont on a d’ailleurs des signes avant-coureurs si l’on mesure la vélocité, mieux vaut ne pas oublier de comptabiliser le refactoring dans l’effort de développement (cf. approche TDD : Red-Green-Refactor).
Prenez le temps de… tout arrêter
Le courage ultime dans la gestion des priorités réside dans la capacité à arrêter un projet en cours. Le biais dit des ‘coûts irrécupérables’ (‘sunk costs’ en anglais) conduit souvent les décideurs à s’interdire d’assumer une telle perte sèche. Ils préfèrent rogner sur tous les axes du triangle de fer (budget, délais, périmètre) plutôt que de reconnaître l’échec. Or, plus tôt on arrête, plus tôt on peut mobiliser les moyens sur des projets plus prometteurs. Et accessoirement, on maintient la motivation et la confiance en soi des équipes. Bref, il s’agit là d’une autre acception du ‘Fail Fast‘ du Lean Startup.
Rendez-vous dans un prochain article pour explorer d’autres boucles de renforcement de notre système.