Jeux agiles : cédez au côté obscur de la force

Gregory

Je suis un joueur de jeux agiles de longue date. J’avais découvert le jeu agile grâce à l’XP Game en 2009. J’ai ensuite participé au pilote de l’Agile Playground Paris en 2012 et ai commencé à animer mes propres jeux un an plus tard. Désormais je suis plus souvent en position d’animateur ou créateur mais il m’arrive encore de jouer.

Et malgré cet historique, je suis toujours un joueur médiocre. Celui qui se fait piéger, qui ne fait pas particulièrement gagner son équipe.

 

J’ai beau être un agiliste de longue date et dont c’est le métier, je me fais avoir aux jeux agiles, pire je deviens parfois l’inverse de ce que je prône.

Je mesure aujourd’hui à quel point cette posture est importante voir fondamentale pour bien faire mon métier d’agiliste.

Au delà de me permettre d’améliorer ma posture d’animateur, elle me permet surtout d’incarner les mauvais comportements qui entourent les projets sur lesquels je travaille, dans un contexte sécurisé.

 

Apprenons en plus sur les jeux agiles, les comportements d’agiliste et comme les jeux peuvent nous permettre de vivre notre dark side.

Les jeux agiles

Vous avez peut être déjà entendu parler de ce terme, en réalité un abus de langage ne désignant pas un jeu intrinsèquement agile (comme le sont évidemment la balle au prisonnier, chat et le Twister).

Le jeu agile est une catégorie de jeux pédagogiques permettant de toucher du doigt de nombreux sujets qui vous permettront de devenir plus agile, c’est à dire de savoir faire de bonnes choses et les faire bien dans notre monde VUCA.

Il existe donc des jeux pour comprendre les méthodes agiles ok, mais aussi la dynamique de groupe, le management, la qualité, la création de produit, le leadership, la communication, les différents soft skills…

Il existe des jeux pour tous les sujets et de nombreux jeux pour le même sujet.

On pourrait se dire qu’à force, je ne découvre plus grand chose, que même avec des formats différents, les apprentissages sont similaires. Oui et non.

Aujourd’hui bien qu’effectivement beaucoup d’éléments dans les débriefs me soient familiers, il m’arrive encore souvent d’avoir des révélations qui m’émerveillent réellement. Du pur plaisir utile aussi bien professionnellement que personnellement.

Le jeu agile : apprentissage et expérience

Le jeu pédagogique réunit plusieurs éléments mais pour le bien du nombre de lignes de l’article, je vais m’intéresser à deux éléments fondamentaux.

Apprentissage : pour faire simple, un jeu pédagogique a vocation à apporter un apprentissage. Cet apprentissage est la plupart du temps amené par un débriefing de fin de partie qui permet d’ancrer le vécu du jeu dans la réalité des joueurs. Le but est de permettre à chacun.e de repartir avec du concret.

Dans beaucoup de jeux, la trame de débriefing est préparée pour permettre à l’animateur ou l’animatrice d’amener l’apprentissage supposé du jeu.

Expérience : Le but est d’ancrer le vécu. Un jeu permet de générer des situations particulières, souvent exagérées sans être caricaturales (plus de pression, plus de contraintes…).

A partir du moment où on identifie qu’un jeu est avant tout une expérience, on accepte toutes les choses intéressantes qui pourraient s’y dérouler, toutes les situations, tous les comportements bons ou mauvais seront source d’apprentissage pour chacun.e.

 

Tips : Commencez toujours votre débriefing par une série de questions ouvertes et neutres permettant à tous d’amener leur vécu sur la table et d’en tirer des apprentissages. Vous pourrez ensuite passer aux questions orientées et voir comment le groupe répond.

Mauvais comportement

Le mauvais comportement est jugé mauvais parce que mis en perspective au sein d’un référentiel de comportements contenant aussi des bons comportements, de bonnes façons de faire et d’être. 

Nos référentiels de bons ou mauvais comportements sont basés sur une normalité partagée et construite avec notre culture, les injonctions collectives que l’on reçoit (soit un servant leader, soit empathique, joue collectif…).

Le référentiel peut être remis en cause avec l’arrivée de nouvelles pratiques, de nouveaux outils et si vous ratez le train, vous pourrez retrouver certains de vos comportements dans la mauvaise catégorie.

Evidemment, ce référentiel est celui d’une catégorie de personnes qui partagent les mêmes outils, les mêmes pratiques et qui sera à même de juger mauvais des comportements observés.

 

Prenons donc l’exemple de l’agilité. 

Les bons comportements d’un environnement agile sont entre autre : 

  • La bonne communication (l’information est explicite, l’écoute est active, les discussions dépassionnées, l’empathie à tous les étages. En gros assertivité, CNV)
  • La bonne gestion de produit (adaptation au changement, interaction plus qu’outils et process, bonne entente…)
  • Le collectif et l’individu (respect, sens du “nous”, bienveillance)

Les différents jeux agiles ont vocation à transmettre ces bons comportements afin de les mettre en oeuvre dans les entreprises, les équipes, les individus etc.

 

Mais ce que j’aime énormément, c’est prendre conscience, durant le débriefing, que j’ai incarné mes mauvais côtés. Je savoure le moment où je me rends compte de la facilité, du plaisir que j’ai eu à être dans cette posture.

Pi

Je ne savoure pas le comportement en lui-même, j’exalte lorsque je me rends compte que tout cela me servira à mieux comprendre l’autre. Sa résistance au changement, sa volonté de mal faire, de ne pas communiquer ou d’être violent dans sa communication, d’être un manager tyrannique, de passer sa vie à la machine à café.

Par exemple : lors d’un atelier 1CUBE&GO sur le travail à distance, je m’étais rendu compte à quel point être un client par téléphone pouvait rendre tyrannique. Parce que j’avais pris plaisir à être tyrannique.

Plus récemment lors d’un Keep Talking and Nobody Explodes chez un client (voir la vidéo de Rémi qui mentionne l’utilisation de ce jeu dans un objectif pédagogique), je me suis rendu compte à quel point je pouvais en vouloir à l’équipe de spécifieurs qui n’arrivent pas à me donner la bonne instruction ou qui font silence radio même pendant 30 secondes et à quel point c’était une position facile à prendre.

En réalité, le jeu me met en empathie avec moi-même, avec ma face sombre, avec des comportements que j’espère ne pas avoir en temps normal. Sachant honnêtement qu’il est certain, qu’en tant qu’humain, je les incarne inconsciemment voir consciemment.

Le fait d’avoir débriefé et pris du recul sur ce comportement me permet plusieurs choses :

  • d’un point de vue empathique : analyser ma propre façon de fonctionner me permet de prendre du recul lorsque j’observe ces mêmes comportements chez les autres
  • d’un point de vue systémique et par rapport à mon travail : prendre du recul sur les motivations ou l’ensemble des caractéristiques qui amènent les mauvais comportements des personnes que j’accompagne,
  • en tant que personne : de détecter les symptômes, les mêmes que j’ai vécu en atelier, et de me rétablir dans une posture adéquate.

 

Je vous invite donc à pratiquer le plus de jeux pédagogiques possibles. Et si ce n’est pas pour l’apprentissage supposé du jeu, quittez les chaussures de bon élève et laissez vous porter.

Vivez l’expérience et prenez conscience de la facilité avec laquelle nous mettons en oeuvre nos travers. J’espère que, comme moi, cela vous permettra de mieux les analyser et de les dérisquer au moment où cela sera vraiment important.

 

Aussi n’oubliez jamais que vos comportements ne vous définissent pas et que bons ou mauvais, ils sont surtout à remettre dans leur contexte.

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