Pérégrinations en Systémique

Goood

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Constat d’échec : c’est toujours la même chose…

Depuis des années, j’accompagne des personnes, équipes et organisations dans leur transformation agile et mes missions ne sont jamais les mêmes : les contextes changent, les personnes changent, ma place en tant qu’accompagnateur change (Scrum Master dans l’équipe, coach agile “internalisé” ou présent ponctuellement), mais une sensation persiste : c’est toujours la même chose.

Combien de fois ai-je récupéré des équipes « Scrum » accompagnées par un coach quelques mois auparavant et qui ne faisaient pas de rétrospective ou un simulacre de planning ?

On change le coach (“il était trop comme ci, pas assez comme ça”), ou on change de méthode (“chez nous, Scrum ça ne marche pas, essayons Kanban”), ou on change les personnes (“ces personnes n’ont pas l’état d’esprit pour travailler en agile”).

Et on aboutit toujours au même résultat : “Agile ne fonctionne pas chez nous, alors on va le tordre”, pour surtout ne pas changer, et ça recommencera après mon départ…

absurdeLes contextes changent, les personnes changent, les méthodes changent, les coachs changent, et pourtant, les mêmes problèmes reviennent toujours et aboutissent souvent au même résultat : « Scrum, ou Agile, ça ne marche pas chez nous ! ».

Je vous avoue que ce constat m’a beaucoup chamboulé, au point de me demander quelle valeur j’avais vraiment dans ces « transformations agiles » et de remettre en cause mes compétences.

Initiation à la systémique : voir la complexité

matrix.jpgJusqu’au jour où j’ai eu une formation à la pensée systémique et des séances de supervision avec Jacques-Antoine Malarewicz

J’ai alors commencé à mettre des mots et des phrases sur ces sentiments d’échec :

  • Système : ensemble d’éléments en interaction

C’est peu et beaucoup à la fois : un individu dans une équipe, une équipe dans une organisation, une organisation sont des exemples de systèmes que je rencontre tous les jours dans mes interventions.

  • Homéostasie : capacité d’un système à maintenir sa position d’équilibre

L’exemple le plus parlant et communément cité est la transpiration ou le grelottement pour maintenir la température du corps humain dans sa position d’équilibre, permettant d’assurer la vie.

Ce qui est intéressant ici, c’est d’imaginer que ces mêmes phénomènes de régulation existent également pour des systèmes plus “gros” : une équipe, une organisation…

  • “Plus ça change et plus c’est la même chose”, Gregory Bateson; “Toujours plus de la même chose produit toujours plus du même résultat”, Paul Watzlawick

Anthropologue et psychologue américain à l’origine de l’école de Palo Alto, Gregory Bateson distingue 2 types de changements : les changements de type 1 concernent un élément d’un système et permettent de conserver l’homéostasie; les changements de type 2 concernent le système en lui-même et modifient les règles du jeu.

Tout changement de type 1 vise donc à maintenir le système dans son état actuel, et donc à ne rien changer. Pire, il tend à renforcer le phénomène de régulation (et rend plus difficile le vrai changement).

  • “Un problème à un endroit du système est également une solution pour l’ensemble du système”, “Le problème est la solution”, “La solution est le problème”, Paul Watzlawick

Cet autre membre fondateur de l’école de Palo Alto me permet de voir les problèmes non plus comme des verrues à éliminer, mais comme des caractéristiques du système. Regarder un problème comme une caractéristique et donc une solution pour que le système global maintienne sa position d’équilibre est pour moi quelque chose de très nouveau.

Pour reprendre l’exemple d’une équipe Scrum formée à l’exercice de la rétrospective et qui ne la fait plus, j’essaie de ne plus voir ça comme un problème, mais comme un moyen pour le système de ne pas changer les règles.

  • Approche analytique/systémique; Causalité linéaire/circulaire; complexité

J’ai été bercé par l’approche analytique, visant à décomposer les problèmes complexes en sous-problèmes plus simples, repartir du plus simple pour construire le plus complexe, trouver des liens de cause à effet univoques.

L’approche systémique vise à garder la vision globale, à envisager les relations de cause à effet avec un phénomène de rétroaction, qui amplifie ou atténue la cause.

Et donc, c’est toujours la même chose, mais c’est normal…

headache-450x300.jpgCet apport théorique autant que les anecdotes de Jacques-Antoine ou les retours d’expérience de mes collègues me rassurent. Je me rends alors compte qu’il n’y a pas que pour moi que c’est la même chose, et que l’explication se trouve peut-être dans ce qu’on perçoit sans le voir, ce qu’on ressent sans être capable de l’expliquer : le système, quelque chose de global, de complexe, doté d’une capacité à ne pas changer, comme un organisme vivant qui fait tout ce qu’il peut pour rester en vie.

Ces changements que j’accompagne ne sont donc pas de vrais changements, et mes interventions ne servent qu’à renforcer le non-changement de ces systèmes.

Accompagner une équipe dans sa mise en place de Scrum, c’est avant tout changer les règles du système.

“Tordre” la méthode en faisant du Scrum sans Scrum Master ou sans rétrospective, c’est garder les mêmes règles et changer juste quelques éléments du système mais pas la mécanique globale.

J’ai maintenant des explications possibles à ces non-changements, mais ça ne me rassure pas sur une chose : la valeur que j’ai dans ces transformations ! Je pensais n’en avoir que très peu, j’ai maintenant l’impression d’en avoir une négative, car je renforce la capacité de résistance du système.

Mais alors que faire avec cette nouvelle perspective ? Comment manipuler ces systèmes complexes ? Comment trouver les moyens d’agir et de changer ?

Vous le découvrirez au prochain épisode…

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[…] Comme indiqué dans mon billet précédent, mes premières pérégrinations en systémique m’ont permis de mettre des mots sur ces phénomènes et de commencer à comprendre pourquoi c’était toujours pareil : système, complexité, homéostasie… […]

Un peu de bibliographie ?
Watzlawick – Weakland – Fisch : Changements
Watzlawick : la réalité de la réalité
J-A Malarewicz : Systémique et entreprise
J-J Wittezaele et Teresa Garcia-Rivera : A la recherche de l’école de Palo-Alto
Dominique Bériot : Manager par l’approche systémique

Une introduction à la systémique : http://fr.slideshare.net/ckti/dcouvrir-la-systmique