Prenez le temps de respirer pendant les sprints !

Soraya

A la dernière rétrospective 2019 que j’ai animé, le mot qui résumait majoritairement l’état des équipes était « Fatigue ». Leur année était rythmée de 11 sprints s’enchaînant les uns derrière les autres, sans relâche.

Ils étaient en Scrum et le Scrum Guide dit  qu’ « un nouveau sprint démarre immédiatement lorsque le précédent se termine », il est donc normal d’enchaîner sans relâche…

D’un autre côté, l’un des 12 principes agiles dit « Les processus agiles encouragent un rythme de développement soutenable. »

Je me pose donc la question suivante : « Peut-on vraiment avoir un rythme soutenable si on enchaîne les sprints sans jamais s’arrêter ? 

Contexte 

Bien sûr, il existe des contextes où le rythme est soutenable. J’aimerais parler ici des cas où l’équipe est sous pression, où les livraisons sont pilotées par la date, où le périmètre est difficilement négociable (pas très agile n’est-ce pas? mais c’est un problème qui est malheureusement réel dans beaucoup de projets) ou tout simplement d’équipe qui vit un “train-train” qui induit de la fatigue et de la lassitude. 

Définition du « sprint »

Si l’on se réfère au dictionnaire, il existe de nombreuses définitions du mot « sprint », que ce soit dans le monde sportif, des affaires et gestion ou de l’informatique

Ce que j’observe, c’est que dans l’esprit de la majorité des gens le mot « sprint » reste largement associé à l’idée « d’ aller le plus vite possible ». 

athletes in sprint start in track and field

D’ailleurs, dans la plupart de mes cadrages de coaching, les demandes qui reviennent le plus souvent sont « nous devons être capable d’aller plus vite », « nous devons nous organiser différemment pour accélérer », « il nous faut des sprints pour livrer plus rapidement »…

La définition du « sprint » qui nous intéresse, au sens de Scrum, désigne une période de temps, de 2 à 4 semaines, durant laquelle l’équipe développe un incrément logiciel. Cela permet à l’équipe d’avoir une cadence et un rythme constant et court de réalisation.

Pour éviter le raccourci « sprint = aller le plus vite possible », je préfère parler « d’itération ».

Quels bénéfices de faire des pauses entre les itérations ?

Le fait de s’octroyer un temps de repos entre les itérations permet de prendre du recul et de gagner en performance sur la durée. 

Cela fait écho à un message de Philippe Houssin (ex-formateur, skipper, pratiquants d’arts martiaux) et Ralph Hyppolite (ex-entraîneur national de Volley ball, formateur Insep, Coach sportif) à l’Agile Tour 2010 :

« Un bon travailleur, comme un bon sportif, a besoin de période de repos entre les efforts pour rester performant ».

Personnellement, je pense que faire des pauses entre les itérations évite que le travail soit industrialisé, déshumanisé. 

Quels impacts d’interrompre une itération ?

Scrum est un système complexe. Si l’un de ses paramètres est modifié, il est difficile de savoir quels seront les impacts. On peut tout de même imaginer que si l’équipe choisit d’interrompre l’itération, il y aura des répercussions sur  : 

  • L’estimation de la vélocité : si l’équipe ne suit pas un rythme constant, elle n’a pas d’étalon. Il devient alors difficile d’estimer l’effort qu’elle est capable de produire sur une période donnée
  • L’engagement de l’équipe : comme l’équipe n’est pas capable d’estimer sa capacité à faire, elle ne sera pas prédictible et de fait, aura du mal à tenir ses engagements 
  • La confiance des parties prenantes : tout l’écosystème de l’équipe sera impacté par ces fluctuations et la confiance dans la capacité de l’équipe à tenir ses objectifs sera altérée
  • La satisfaction utilisateur : un rythme instable de réalisation peut impacter la satisfaction de l’utilisateur final qui ne verra pas le produit évoluer de manière constante et régulière
  • ….

Avoir un rythme constant et régulier pour l’équipe est donc primordial.

Si le fait d’enchaîner les itérations sans relâche créé de l’épuisement dans les équipes mais que de s’arrêter peut avoir des conséquences lourdes sur le système, quelle alternative proposer ?

Pomodoro à l’échelle

La technique Pomodoro est une technique de gestion du temps développée par Francesco Cirillo à la fin des années 1980. Cette méthode se base sur l’usage d’un minuteur permettant de respecter des périodes de 25 minutes appelées pomodori (qui signifie en italien « tomates »). Ces différentes périodes de travail sont séparées par de courtes pauses.

POMODORO
Pomodori

 

La méthode a pour principale prétention que des pauses régulières favorisent l’agilité intellectuelle. Certains bénéfices des temps de repos sur la consolidation de la mémoire peuvent être observés expérimentalement.

Je vous propose d’étendre cette technique à l’échelle d’une itération.

Si dans une équipe les itérations durent 3 semaines, on peut proposer par exemple de se concentrer sur les tâches de réalisation pendant 2,5 semaines et consacrer les 2 derniers jours pour faire une pause.

Un autre solution serait d’étaler ce temps d’arrêt au fil de l’itération en consacrant une bande passante dédiée.

S’arrêter OK mais pour faire quoi ?

L’ équipe peut profiter de cette coupure pour :

  • souffler, s’aérer, prendre du recul (lire, se former, voir des conférences, etc…)
  • renouer les liens dans l’équipe, faire du team building (jeux, sorties,…)
  • traiter les actions d’amélioration en attente
  • faire de la veille, innover
  • découvrir un nouveau sujet, mettre en place une nouvelle solution
  • se lancer des challenges, relever des défis 
  • aller rencontrer les autres équipes et observer leur façon de travailler, etc…

Evidemment, ceci n’est qu’une proposition. Libre à chaque équipe de trouver le bon cadencement et les activités qu’elle aimerait entreprendre durant ces temps de pause. 

En conclusion 

Pour garantir un rythme soutenable dans l’équipe, je conseille de consacrer un temps de recul pour respirer et relâcher la pression. Le tout est que ce soit un moment choisi par l’équipe, ritualisé, qui lui est bénéfique et qui ne crée pas de déséquilibre majeur dans le système. 

Dans les contextes vraiment difficiles, les pauses peuvent apparaître comme des solutions palliatives. Le véritable problème dans l’équipe (pression par la date et périmètre fixe) doit être rendu visible et pris en charge.

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